Cest
en Grèce que le théâtre a été inventé. Ce théâtre a eu une postérité dont nous
sommes aujourdhui encore les héritiers. Pourtant il est profondément différent du
théâtre moderne par sa dimension religieuse, civique, par le caractère unique des représentations, lors de concours
dramatiques pendant les fêtes religieuses, et par les conditions matérielles du
spectacle.
I) UN
SPECTACLE RELIGIEUX
1) LORIGINE DU THEATRE
Comme toutes les manifestations antiques, le
théâtre grec a une forte composante religieuse. Cet aspect sexplique par son
origine. En effet il est né des hymnes en lhonneur de Dionysos, peu à peu transformés en pièces de théâtre : un
chanteur se détache des autres et leur répond, puis un acteur donne la réplique au
chur (lensemble des chanteurs). Un deuxième acteur puis un troisième sont
introduits par Eschyle puis par Sophocle.
De cette origine religieuse, le théâtre conserve des
scènes rituelles ( scènes de deuil, de sacrifice, de supplication) et des chants en
lhonneur des dieux. Sur la scène se trouve un autel dédié à Dionysos, intégré dans la mise en scène et dans
laction de la pièce. La statue du dieu est transportée au milieu de lorchestra, là où évolue le chur, et
elle y reste pendant toute la représentation.
2) LES CONCOURS
TRAGIQUES
Lorigine du théâtre explique que les représentations aient lieu lors de grandes fêtes religieuses : les Lénéennes, les Grandes
Dionysies, les Dionysies rurales. Les pièces, au Vème siècle, sont donc représentées
une seule fois et participent à un concours qui dure quatre à cinq jours. Cest
seulement après la grande période classique, à partir du IV°siècle que les pièces
qui ont remporté un concours sont rejouées et deviennent des pièces de répertoire.
Cest dailleurs la raison pour laquelle elles nous sont parvenues, leurs
manuscrits ayant été sans cesse recopiés. Les autres, cest-à-dire la majorité,
ont disparu.
3) LES SUJETS
Les sujets des pièces font une très large part à la mythologie : le cycle troyen, la famille des
Atrides, celle des Labdacides, Héraclès. Parmi les pièces conservées, une seule
évoque un événement historique : les Perses dEschyle raconte la défaite des
Perses à Salamine.
Les pièces nont donc aucun mal à intégrer dans la mise en scène lautel de
Dionysos présent sur la scène : libations, prières, sacrifices prennent tout
naturellement place dans laction. Les auteurs tragiques reprennent les thèmes
déjà traités par Homère. Ce nest pas leffet de surprise qui est attendu
par le public : celui-ci connaît lhistoire dans ses grandes lignes. La
nouveauté réside dans le choix de telles ou telles variantes, dans laccent mis sur
tel ou tel personnage, sur un trait de caractère, sur un thème particulier
Le
spectateur est donc dans un univers à la fois familier et original.
II) UN
SPECTACLE CIVIQUE
1) LA CHOREGIE
Le spectacle théâtral nest pas seulement une activité religieuse ou un
divertissement : il fait partie intégrante de la vie de la cité. Cest
pourquoi une des façons de sacquitter de ses impôts est la chorégie :
recrutement et entretien du chur, des acteurs, du joueur de flûte, achat des
costumes et des masques
Ceci au même titre que larmement dun bateau de
guerre : cela montre limportance du théâtre dans la vie de la cité.
2) LE PUBLIC
Le prix des places était très modique et les plus pauvres pouvaient assister
gratuitement au spectacle et recevaient même de largent pour compenser la perte de
leur journée de travail.
Le théâtre nest donc pas un spectacle réservé aux plus riches. Cest une cérémonie qui rassemble toute la
cité.
3) LES SUJETS
Le théâtre naît en Grèce à une époque où, bien que fortement imprégnés par la
religion, le droit et la politique tendent à devenir autonomes . Le théâtre est
contemporain et témoin de ce changement.
Par exemple la trilogie dEschyle consacrée aux Atrides nous montre une justice
archaïque, fondée sur la vengeance reproduisant la violence et le meurtre de
génération en génération : Agamemnon sacrifie sa fille Iphigénie; son épouse
Clytemnestre la venge en faisant tuer Agamemnon par son amant Egisthe; ces derniers sont
à leur tour assassinés par Oreste, fils dAgamemnon et de Clytemnestre.. Dans la
dernière pièce de la trilogie, la justice change radicalement, le cycle de la vengeance
sarrête définitivement : Oreste est jugé par un tribunal, celui de laréopage. Désormais lindividu est jugé selon
ses actes et doit répondre de ses faits et gestes et non de ceux de ses ancêtres. La
justice, et avec elle la notion dintention et de circonstances atténuantes, a
remplacé la vengeance.
Dautre part la politique est un sujet de discussion sur la scène théâtrale :
on débat des questions dactualité, de la définition du meilleur régime
politique, de la supériorité
de la démocratie, de la
légitimité du pouvoir
La cité met en scène ses valeurs dans la tragédie. Dans la comédie, au contraire, les valeurs de la cité sont
critiquées, les hommes politiques dénoncés et caricaturés, même la religion
nest pas épargnée : les dieux sont représentés comme gloutons, peureux,
menteurs
; la société divine décrite par Aristophane est le reflet de la
société humaine et de ses imperfections. En échange lauteur propose une cité
utopique.
III)
LORGANISATION MATERIELLE
1) LE LIEU DU
SPECTACLE
Le théâtre grec se joue en plein air, dans un endroit choisi pour ses qualités
acoustiques. Les gradins sont creusés à flanc de colline :
cest le théatron proprement dit, cest-à-dire le lieu
doù lon voit. Le spectacle a lieu dans deux endroits distincts : lorchestra de forme ronde où évolue le chur ( chants et danses) et
le proskénion (proscenium) où jouent les acteurs, devant
la skénè qui est le mur de scène (loge des acteurs) sur lequel sont accrochés les décors et
derrière lequel se trouvent les coulisses.
2) LES ACTEURS
Les acteurs sont au nombre de trois au maximum. Seul le protagoniste ( le premier rôle) est célèbre et est mentionné dans les
inscriptions. Les deux autres ont des rôles secondaires et restent en retrait. Les
costumes sont riches et voyants pour être faciles à voir de loin. Des accessoires
permettent de reconnaître le personnage ( un sceptre pour le roi par exemple).
Lutilisation du masque permet aux acteurs de jouer les rôles
féminins, de jouer plusieurs rôles puisquil ny a que trois acteurs mais plus
de trois personnages. Le masque sert aussi damplificateur pour la voix. Les traits
grossis du masque sont visibles de loin et permettent aux spectateurs de deviner tout de
suite le statut du personnage ( vieillard, esclave, roi
) ou ses émotions ( haine,
colère, pitié
). Les cothurnes ( chaussures à épaisse semelle de bois)
grandissent lacteur et lui donnent un air majestueux conforme aux rôle de rois ou
de héros de la mythologie.
3) LES DECORS
Laction se situe dans un palais, un temple pour la tragédie ou une maison pour la
comédie. Les murs sont peints sur la skénè. Il y avait peu de changements de
lieu : les événements extérieurs sont simplement racontés par un récit de
messager ( batailles, meurtres, scènes de violence
). Autres éléments de
décor : rocher, statue de dieu, tombeau
Les décors sont réutilisés
plusieurs fois.
Une machinerie permet lapparition ou la disparition
dans le ciel de personnages : par exemple Médée senvole sur son char ailé
dans la pièce qui porte son nom.
Voir la photo du
théâtre d'Epidaure |